Les griffons de Madagascar [Mogadiscio]
Marco Polo (1254-1324), Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles
Récit de 1299, copié à Paris vers 1410-1412.
Enluminure par le Maître de la Mazarine et collaborateurs. Manuscrit sur parchemin, 299 feuillets, 42 x 29,8 cm
BnF, département des Manuscrits, Français 2810, fol. 88
© Bibliothèque nationale de France
Dans le manuscrit, Marco Polo écrit : « Mogedaxo » que l’on peut identifier comme Madagascar, ou bien comme Mogadiscio, l’hésitation est d’autant plus grande qu’il en parle comme d’une île. Cependant, la description donnée, tant du paysage que de la faune, ainsi que la position géographique fait plutôt penser à une description de la côte Somalie qu’on lui aurait rapportée.

Il parle de l'île de Madagascar
Madagascar est une île à bien mille milles au sud de Scaira. Ses habitants sont musulmans et adorent Mahomet. La cité est gouvernée par quatre vieillards. C'est une des îles les plus belles et les plus grandes qui soient au monde. Elle s'étend sur au moins trois mille milles de périmètre. Ses habitants vivent de commerce et d'artisanat. Il y a là plus d'éléphants que nulle part ailleurs. Il y en a également sur une autre île dont je vous parlerai, Zanzibar. C'est extraordinaire le commerce d'éléphants qui se fait sur ces deux îles. Les habitants de cette île ne se nourrissent que de viande de chameau. Ils en abattent tant chaque jour que c'est difficile à croire pour qui ne l'a pas vu. Ils prétendent que c'est la meilleure viande du monde, et la plus saine qui soit. C'est la raison pour laquelle tous les habitants en mangent et ne mangent que ça.
Il y pousse quantité d'arbres de santal vermeil, de bonne qualité. Ils en ont tant que tous leurs bois sont de santal. Ils ont beaucoup d'ambre, car il y a quantité de baleines dans la mer, qu'ils capturent, ainsi que de grands cachalots qui, comme les baleines, produisent de l'ambre. On trouve également dans l'île abondance de léopards, d'ours, de lions et d'autres bêtes sauvages. C'est la raison pour laquelle il vient là des marchands en grand nombre. Mais leurs navires ne peuvent aller vers d'autres îles, plus au sud que Madagascar et Zanzibar, car le courant y est si fort en direction du sud que les bateaux qui iraient ne pourraient faire route arrière. Les bateaux mettent à peine vingt jours pour aller de Maabar à Madagascar, mais plus de trois mois dans l'autre sens, tant le courant du sud qui leur est contraire est fort. Il est fort en toutes saisons. C'est extraordinaire.
On raconte que dans ces îles, où l'on ne peut aller à cause du courant qui empêcherait le retour, l'on trouve, en certaines saisons, des griffons. Ils sont différents des nôtres. Certains qui les ont vus ont raconté à Marc Pol qu'ils ressemblent à des aigles, mais en beaucoup plus grand. Ouvertes, leurs ailes couvrent plus de trente pas, et leurs pennes plus de douze. Ils sont si forts qu'ils prennent un éléphant dans leurs griffes, l'enlèvent dans le ciel, puis le laissent tomber pour le tuer. Ils descendent alors et le dévorent. Les habitants de l'île les nomment rut. Je ne saurais dire si ce sont vraiment des griffons ou des oiseaux d'une autre espèce. Mais c'est un fait qu'ils ne sont pas moitié oiseaux et moitié lions comme nous disons que sont les griffons. Ils sont immenses et ressemblent exactement à l'aigle. Le Grand Khan envoya des gens à lui s'informer de ces curiosités, et c'est ce qu'ils lui racontèrent. Il les envoya également délivrer un de ses ambassadeurs retenu dans l'île. Ils le délivrèrent et racontèrent d'étranges nouvelles au Grand Khan. Ils lui rapportèrent deux dents de sanglier, qui pesaient chacune plus de quatorze livres. C'est dire la taille du sanglier. Et lui expliquèrent qu'ils avaient vu des sangliers qui avaient la taille de buffles. On y trouve aussi des girafes et des ânes sauvages, et toutes sortes d'animaux sauvages tout à fait extraordinaires.
 
 

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