Le Palais du Grand Khan à Cambaluc [Pékin]
Marco Polo (1254-1324), Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles
Récit de 1299, copié à Paris vers 1410-1412.
Enluminure par Maître d’Egerton. Manuscrit sur parchemin, 299 feuillets, 42 x 29,8 cm
BnF, département des Manuscrits, Français 2810, fol. 37
© Bibliothèque nationale de France
Le Palais Impérial de Pékin fut construit à partir de 1271 dans la ville Tartare que Kubilaï fit construire à partir de 1267 au nord de la ville chinoise traditionnelle. Cette ville devient la capitale officielle de l’Empire de Kubilaï à partir de 1274. Elle est de forme carrée, comme la terre dans la mythologie chinoise. Comme la décrit aussi Marco Polo, c’est une suite de carrés emboîtés les uns dans les autres, avec en son cœur le Palais impérial. Le Palais tel qu’il existait du temps de Marco Polo a été rasé en 1369 quand les Ming s’installèrent sur le trône impérial.

Il parle du palais du Grand Khan
C'est le plus vaste palais qui soit au monde. Il n'a pas d'étage, mais seulement un rez-de-chaussée, dont le carrelage est à environ dix paumes du sol. Son toit est très haut. Les murs des salles et des chambres sont tous couverts d'or et d'argent, et décorés de peintures figurant des dragons, des bêtes, des oiseaux, des chevaliers, des statues et bien d'autres motifs encore. Le toit est ainsi fait qu'il paraît n'être qu'or, argent et peintures. Le palais est si vaste qu'au moins six mille convives pourraient y manger, et il a tant de chambres que c'est merveille. Nul ne saurait imaginer palais plus parfait, tant il est vaste et magnifique. Les poutres du toit sont vermeilles, jaunes, vertes, dorées et de bien d'autres couleurs. Vernissées avec finesse et art, elles brillent comme du cristal, et le palais resplendit au loin. Solide et sûr, ce toit est construit pour l'éternité.
Il y a entre les remparts d'enceinte de belles prairies et de délicats vergers, pleins de mille bêtes, cerfs, daims, chèvres, biches, différentes espèces d'écureuils et nombre de ces animaux qui font le musc, et encore bien d'autres bêtes, toutes magnifiques. Elles vont partout sauf sur la route, là où vont et viennent les gens. Et l'on trouve également, s'étendant d'un angle à l'autre, un lac très poissonneux. Le seigneur l'a fait empoissonner, et, chaque fois qu'il désire des poissons, il en a tant qu'il veut. Une rivière court à travers le lac, mais elle est grillagée de sorte qu'aucun poisson ne peut s'échapper du lac.
Il y a aussi, à une portée d'arc vers le nord, une colline construite de la main des hommes. Elle est haute de cent pas et s'étend sur un mille. Elle est couverte d'arbres aux feuillages persistants, toujours verts. Que le seigneur apprenne l'existence d'un arbre d'une essence particulière, il le fait aussitôt transplanter avec terre et racines sur cette colline. Peu importe sa taille ; des éléphants le transportent. Ainsi le Grand Khan possède-t-il les plus rares essences du monde. Le seigneur a également fait recouvrir cette colline de [pierres] vertes  ; de sorte qu'avec les arbres, elle est toute verte. On l'appelle le mont Vert. Au sommet de cette colline, il y a un magnifique palais, vert à l'intérieur et à l'extérieur. La colline, les arbres, le palais offrent un spectacle d'une délicate beauté, si merveilleux avec toute cette [verdure] que sa seule contemplation procure bonheur et joie. Et c'est bien pour en avoir délassement, plaisir et joie que le Grand Khan l'a fait construire.
 
 

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