Le couronnement de Gengis Khan
Marco Polo (1254-1324), Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles
Récit de 1299, copié à Paris vers 1410-1412.
Enluminure par le Maître de la Mazarine et collaborateurs. Manuscrit sur parchemin, 299 feuillets, 42 x 29,8 cm
BnF, département des Manuscrits, Français 2810, fol. 25v
© Bibliothèque nationale de France
Temoudjin, dit Gengis Khan, né vers 1150, est le fils d’un chef de clan mongol puissant. Orphelin, Temoudjin se met vers l’âge de 15 ans au service de Toghril, chef des Kéraïts. Il vainc alors plusieurs peuples nomades, dont les Tatars, et rallie des clans entiers, qui le choisissent comme souverain. En 1203, Il se retourne alors contre Toghril et s’empare du pays Kéraït. En 1206, Temoudjin est maître de toute la Mongolie. Il est alors proclamé Khan de tous les Mongols lors d’une assemblée des chefs et prend le nom de Gengis Khan. Il emmène son peuple à la conquête du monde, en commençant par la Chine du Nord. En 1215, ses armées s’emparent de Pékin, en 1218, de la Corée. Puis il se consacre aux territoires à l’ouest de la Mongolie. En 1220, Boukhara puis Samarcande tombent. En 1226, il est le maître du nord de l’Inde. Ses armées avancent jusqu’en Russie. Quand il meurt d’une chute de cheval, en 1227, son empire s’étend du Dniepr à la Corée et de l’Inde au cercle Arctique.

Il parle de Gengis Khan qui fut le premier Khan des Tartars
En l'an 1187 de l'Incarnation du Christ, les Tartars désignèrent comme roi un certain Gengis Khan. C'était un homme de grande valeur, de grande sagesse et de grand courage. Et voici que, lorsque tous les Tartars du monde apprirent son élection, ils accoururent de tout le pays et le tinrent pour seigneur. Et lui gouvernait en parfaite autorité. Qu'ajouter ? C'était merveille de voir les Tartars si nombreux. Gengis Khan fit grands préparatifs de guerre, des javelots, des traits d'arbalètes et bien d'autres armes, selon leur habitude, et il partit conquérir ces régions, au total bien sept provinces. Jamais il ne faisait tort ni dommage aux habitants d'une province conquise, mais leur laissait avec eux [pour les gouverner] quelques-uns de ses hommes. Avec le reste de sa troupe, il poursuivait ses innombrables conquêtes. Voyant qu'il les protégeait et les gardait si bien des autres, et n'ayant eux-mêmes subi nul dommage du fait de sa grande bonté, les habitants des provinces conquises prenaient volontiers son parti et lui étaient d'une parfaite fidélité.
Quand la terre entière fut couverte des hommes qu'il avait rassemblés, Gengis Khan pensa partir à la conquête d'une grande partie du monde et envoya ses ambassadeurs au Prêtre Jean. Alors, en l'an 1200 de l'Incarnation du Christ, il lui demanda sa fille en mariage. Profondément offensé, le Prêtre Jean répondit à ses ambassadeurs : « Que n'a-t-il honte de demander ma fille en mariage ! Il sait bien pourtant qu'il est mon homme et mon serf ! Retournez le lui dire ! Plutôt brûler ma fille que de la lui donner pour femme ! Il mérite la mort pour s'opposer ainsi, traître et félon, à son légitime seigneur ! » Il congédia les ambassadeurs de Gengis Khan, leur interdisant de se représenter devant lui. Ceux-ci partirent sur-le-champ et, brûlant les étapes, arrivèrent auprès de leur maître à qui ils rapportèrent sans rien en omettre les paroles du Prêtre Jean.

Comment Gengis Khan assembla ses hommes pour marcher contre le Prêtre Jean
Quand Gengis Khan sut l'outrage que le Prêtre Jean lui faisait, il en eut le cœur si enflé que peu s'en fallut qu'il lui crevât dans la poitrine, car il était homme de très haute autorité.
À la fin, il parla de crime et s'écria devant son entourage que jamais plus il n'aurait d'autorité s'il ne lavait un si terrible outrage, que jamais honte ne serait si chèrement rachetée, et qu'il lui montrerait très bientôt s'il était son serf.
Il assembla alors tous les hommes de toutes ses armées et fit les plus grands préparatifs de guerre qu'on ait jamais vus ni entendu raconter. Il invita le Prêtre Jean à préparer ses défenses. Celui-ci prit pour une plaisanterie sans importance l'avancée contre lui des armées de Gengis Khan. « Ce n'est pas un homme de guerre », disait-il. Il fit cependant grands préparatifs pour s'en emparer et le supprimer, s'il osait venir. Ainsi les deux camps s'armaient-ils ! Pourquoi faire un long récit ? Gengis Khan arriva avec toute son armée dans la belle et grande plaine de Tanduc, qui appartenait au Prêtre Jean ; il y installa son camp, une troupe sans nombre. Heureux et impatient, il attendait son ennemi dans cette large et belle plaine. Laissons Gengis Khan et son armée, et retournons au Prêtre Jean et à ses hommes.
 
 

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