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Portrait de Hidéyoshi, en bois sculpté, par Katakiri

Le Japon Artistique, documents d’art et d’industrie réunis par S. Bing
Portrait de Hidéyoshi, en bois sculpté, par Katakiri
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« Cette planche représente une statuette en bois sculpté, haute de quarante centimètres ; le vêtement est peint d’une légère couche vert foncé, très atténuée par le temps, la tête et les mains sont dans le ton naturel du bois, qui a pris avec les années une belle teinte d’un brun presque noir.
Nous faisions remarquer dans une précédente livraison (no XXIX, p. 61) que la sculpture japonaise a été loin de se borner aux netsuké, de minimes proportions, et qu’elle a abordé aussi bien des sujets d’un format moins restreint.
Avant que l’usage des netsuké ne se fût répandu, – il ne date que du commencement du 17e siècle – les artistes japonais avaient conçu même en dehors de la sculpture religieuse, des œuvres d’une grande vigueur, dont il n’est malheureusement venu en Europe que de très rares spécimens. La statuette que nous reproduisons ici relève de la sculpture profane, mais l’auteur n’avait pas pris pour modèle Ie premier venu, et son œuvre a conservé les traits d’une des grandes figures de l’histoire du Japon. Une inscription apposée par dessous se traduit ainsi : "Portrait du Seigneur Hidéyoshi, sculpté avec une profonde vénération par son vassal Katakiri."
Hidéyoshi, connu sous le nom posthume de "Taïko-Sama", fut le fameux dictateur qui envahit la Corée en 1492. Il eut sous ses ordres des lieutenants dont plusieurs sont demeurés célèbres non moins par leur amour des arts que par leurs exploits de grands capitaines. Ce Katakiri, qui a su produire un véritable chef-d’œuvre de sculpture, a peut-être pris, lui aussi, une part glorieuse aux faits d’armes qui s’accomplissaient sous le grand Taïko. Ce n’est certes pas la beauté personnelle du modèle qui est ici en cause ; Hideyoshi était réputé pour sa laideur à tel point que le populaire lui avait donné le nom de "général Sarou", ou général Singe. Mais, pénétrant au plus profond de son modèle, d’autant mieux qu’il était souvent à même de voir le front de son chef se plisser sous le poids des lourdes responsabilités, et qu’il savait quelle pensée puissante animait ce rude visage, le sculpteur a su exprimer dans ces yeux profonds sous leurs paupières pourtant bridées, dans ces pommettes saillantes, dans cette bouche impérieuse presque jusqu’au dédain, et même dans les plis raides, un peu hiératiques du vêtement, l’énergie intense, qualité dominante d’un grand capitaine. » (p. 126)

© Bibliothèque nationale de France

  • Auteur(es)
    Siegfried Bing (1838-1905)
  • Description technique
    Publication mensuelle, de 1888 à 1891
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE 4-YA5-1

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm314200441d