Le Portrait de Dorian Gray
Oscar Wilde (1854-1900), auteur ; Eugène Tardieu, traducteur ; Fernand Siméon (1884-1928), graveur ; Mornay, éditeur, Paris, 1920.
BnF, département Réserve des livres rares, RES P-Y2-1535
© Bibliothèque nationale de France
Le Portrait de Dorian Gray est l'unique roman d'Oscar Wilde. Publié en 1891, il est considéré comme immoral. Il raconte l'histoire d'un jeune dandy, Dorian Gray, qui grâce à un pacte conserve son éternelle jeunesse tandis que son portrait peint porte le poids des ans et de ses vices. Dorian Gray entraîne le lecteur dans les salons mondains et les quartiers louches de la capitale anglaise. Sa bible est un « livre jaune » : sans que le titre ne soit jamais cité, la description qu'il en fait est assez explicite pour qu'on reconnaisse le roman de Huysmans, À rebours.

« Les yeux tombèrent sur le livre jaune que lord Henry lui avait envoyé. Il se demanda ce que c’était. Il s’approcha du petit support octogonal aux tons de perle qui lui paraissait toujours être l’œuvre de quelques étranges abeilles d’Égypte travaillant dans de l’argent ; et prenant le volume, il s’installa dans un fauteuil et commença à le feuilleter ; au bout d’un instant, il s’y absorba. C’était le livre le plus étrange qu’il eût jamais lu. Il lui sembla qu’aux sons délicats de flûtes, exquisément vêtus, les pêchés du monde passaient devant lui en un muet cortège. Ce qu’il avait obscurément rêvé prenait corps à ses yeux ; des choses qu’il n’avait jamais imaginées se révélaient à lui graduellement. C’était un roman sans intrigue, avec un seul personnage, la simple étude psychologique d’un jeune Parisien qui occupait sa vie en essayant de réaliser, au dix-neuvième siècle, toutes les passions et les modes de penser des autres siècles, et de résumer en lui les états d’esprit par lequel le monde avait passé, aimant pour leur simple artificialité ces renonciations que les hommes avaient follement appelées Vertus, aussi bien que ces révoltes naturelles que les hommes sages appellent encore Péchés. Le style en était curieusement ciselé, vivant et obscur tout à la fois, plein d’argot et d’archaïsmes, d’expressions techniques et de phrases travaillées, comme celui qui caractérise les ouvrages de ces fins artistes de l’école française : les Symbolistes. Il s’y trouvait des métaphores aussi monstrueuses que des orchidées et aussi subtiles de couleurs. La vie des sens y était décrite dans des termes de philosophie mystique. On ne savait plus par instants si on lisait les extases spirituelles d’un saint du moyen âge ou les confessions morbides d’un pécheur moderne. C’était un livre empoisonné. […] Pendant des années, Dorian Gray ne put se libérer de l’influence de ce livre ; il serait peut-être plus juste de dire qu’il ne songea jamais à s’en libérer. »
 
 

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