Marthe, histoire d'une fille
Joris-Karl Huysmans (1848-1907), auteur ; J.-L. Forain, dessinateur ; Derveaux, éditeur, Paris, 1879.
BnF, département Arsenal, RESERVE 4-DELTA-3542
© Bibliothèque nationale de France
Craignant la censure, Huysmans publie d'abord Marthe, histoire d'une fille en Belgique. Marthe débute comme chanteuse de cabaret à Paris, et, très vite, elle se prostitue. Sans complaisance, Huysmans décrit sa vie misérable d'« ouvrière en passions », les odeurs rances des corps et les réveils brumeux d'alcool. Il s'inscrit ainsi dans le courant naturaliste, mené par Zola qui publie à la même époque L'Assommoir, histoire de la déchéance de Gervaise, blanchisseuse qui sombre dans l'alcoolisme. L'emploi de l'argot parisien et la description crue des mœurs populaires choquent leurs contemporains.
La prostitution est devenue au XIXe siècle un phénomène social, étudié par des philanthropes, médecins ou enquêteurs sociaux, comme Alexandre Parent du Châtelet ou René Villermé. Objet de fascination et de répulsion, symbole de la misère et du déclassement social, la prostituée est de tous les romans réalistes ou naturalistes de l'époque — Marthe de Huysmans, La Fille Élisa d'Edmond de Goncourt, Nana de Zola — d'où l'expression « écrivains de filles » utilisée par Ernest Raynaud dans le Mercure de France en 1890.

Marthe reçoit sa première leçon au cabaret. « — Tiens, vois-tu, petite, disait Ginginet, étendu sur le velours pisseux de la banquette, tu ne chantes pas mal, tu es gracieuse ; tu as une certaine entente de la scène, mais ce n’est pas encore cela. Écoute-moi bien, c’est un vieux cabotin, une roulure de la province et de l’étranger qui te parle, un vieux loup de planche, aussi fort sur les tréteaux qu’un marin sur la mer, eh bien ! tu n’es pas encore assez canaille ! ça viendra, bibiche, mais tu ne donnes pas encore assez moelleusement le coup des hanches qui doit pimenter le “boum” de la grosse caisse. »
 
 

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