Madame Gervaisais, manuscrit
Edmond de Goncourt (1822-1896), auteur.
BnF, département des Manuscrits occidentaux, NAF 19745, f. 47
© Bibliothèque nationale de France
« À Rome, le récit de la vie de Madame Gervaisais, de la vie de ma tante, en notre roman mystique est de la pure et authentique histoire ».
Madame Gervaisais est le dernier roman écrit à quatre mains par les frères Goncourt, il est publié en 1869. Madame Gervaisais incarne la dévotion religieuse devenue pathologie, progressivement elle se retire du monde et rejette jusqu’à son enfant. Cet ascétisme exacerbé la conduit progressivement à une déperdition de ses facultés.

« Cette fièvre de foi ne tardait pas à faire de l'extase l'état chronique de la femme épuisée, tuée par le mal, les macérations, le dédain de la santé ; et ce ne fut bientôt plus seulement à Sainte-Marie du Transtevere, ce fut chez elle, à l'improviste, qu'elle eut presque continûment ces ravissements, ces élancements, ces transports qui la détachaient et l'arrachaient de la matière.
Pendant qu'elle était en train de travailler à sa tapisserie, Pierre-Charles entendait, après deux ou trois profonds soupirs, la voix de sa mère devenue une voix de petite fille, sanglotante, étouffée, un moment douloureuse et enfantinement gémissante, se taire et se briser dans une exclamation ; et aussitôt il voyait son visage aux pommettes enflammées se renverser, tendu vers quelque chose.
Elle restait longtemps ainsi, dans un néant ravi, pénétrée d'un sentiment de soulèvement physique de toute sa personne, ayant l'illusion et l'impression d'une force qui l'enlevait du canapé où elle était assise, l'approchant de l'objet qu'elle semblait contempler au plafond et dont elle ne parlait jamais. Le globe de ses yeux fixes, leurs paupières n'avaient plus de mouvement ni de battement : un aveuglement radieux remplissait son regard. Une beauté indicible descendait sur la maigreur et l'immobilité de cette figure tout au bord du ciel. »
 
 

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