Mademoiselle Angèle et son cavalier
Dans les champs de Fontenay-Aux-Roses
Scènes de la vie de Bohème illustrée par Léandre
Henry Murger (1822-1861), auteur. Charles Léandre (1862-1934), illustrateur, 1902.
Paris, A. Romagnol
BnF, Réserve des livres rares, RES M-Y2-52
© Bibliothèque nationale de France
À partir de 1845, Henry Murger publie dans un des petits journaux les plus célèbres de l’époque, Le Corsaire-Satan, un feuilleton intitulé « Scènes de la bohème ». Il y présente cette communauté comme jeune, aimable, drôle et désirable. Cela correspond à une « inversion du stigmate » et le mode de vie bohème va s’imposer ensuite parmi la société comme un mode de vie. On parlera ainsi de « grande bohème » pour désigner la vie insouciante et de dépenses des classes aisées de la société. Murger fait entrer la bohème dans l’imaginaire social en deux temps : il adapte d’abord avec Théodore Barrière son feuilleton du Corsaire-Satan sous le titre La Vie de Bohème, pièce représentée au Théâtre des Variétés en 1849. Ensuite, à la demande de l’éditeur Michel Levy, il réunit ses nouvelles sous la forme d’un roman qui parait en 1851 titré Scènes de la bohème puis enfin Scènes de la vie de bohème.

« Comme l’angelus sonnait à l’église prochaine, les trois coquettes laborieuses, qui avaient eu à peine le temps de dormir quelques heures, étaient déjà devant leur miroir, donnant leur dernier coup d’œil à leur toilette nouvelle.
Elles étaient charmantes toutes trois, pareillement vêtues, et ayant sur le visage le même reflet de satisfaction que donne la réalisation d’un désir longtemps caressé. Musette était surtout resplendissante de beauté.
— Je n’ai jamais été si contente, disait-elle à Marcel ; il me semble que le bon Dieu a mis dans cette heure-ci tout le bonheur de ma vie, et j’ai peur qu’il ne m’en reste plus ! Ah ! Bah ! quand il n’y en aura plus, il y en aura encore. Nous avons la recette pour en faire, ajouta-t-elle gaiement en embrassant Marcel.
Quant à Phémie, une chose la chagrinait.
— J’aime bien la verdure et les petits oiseaux, disait-elle, mais à la campagne on ne rencontre personne, et on ne pourra pas voir mon joli chapeau et ma belle robe. Si nous allions à la campagne sur le boulevard ?
À huit heures du matin, toute la rue était mise en émoi par les fanfares de la trompe de Schaunard qui donnait le signal du départ. Tous les voisins se mirent aux fenêtres pour regarder passer les bohèmes. Colline, qui était de la fête, fermait la marche, portant les ombrelles des dames. Une heure après, toute la bande joyeuse était dispersée dans les champs de Fontenay-Aux-Roses.
Lorsqu’ils rentrèrent à la maison le soir, bien tard, Colline, qui, pendant la journée, avait rempli les fonctions de trésorier, déclara qu’on avait oublié de dépenser six francs, et déposa le reliquat sur une table.
— Qu’est-ce que nous allons en faire ? demanda Marcel.
— Si nous achetions de la rente ? dit Schaunard. »
 
 

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