Deux jeunes filles en robe du soir
Gavarni (1804-1866), dessinateur, 1830?.
BnF, département des Estampes et de la Photographie, SMITH LESOUEF 12189
© Bibliothèque nationale de France
Monsieur Arnoux entraîne Frédéric à un bal. L’éblouissement premier de Frédéric laisse vite place à un sentiment de malaise et une observation plus attentive des invités dévoile le grotesque de leurs tenues. C’est là que Frédéric rencontre pour la première fois Rosanette, qui deviendra sa maîtresse.

« Frédéric fut d'abord ébloui par les lumières ; il n'aperçut que de la soie, du velours, des épaules nues, une masse de couleurs qui se balançait aux sons d'un orchestre caché par des verdures, entre des murailles tendues de soie jaune, avec des portraits au pastel, çà et là, et des torchères de cristal en style Louis XVI. De hautes lampes, dont les globes dépolis ressemblaient à des boules de neige, dominaient des corbeilles de fleurs, posées sur des consoles, dans les coins ; – et, en face, après une seconde pièce plus petite, on distinguait, dans une troisième, un lit à colonnes torses, ayant une glace de Venise à son chevet. […] Quand le quadrille fut achevé, Mme Rosanette l'aborda. Elle haletait un peu, et son hausse-col, poli comme un miroir, se soulevait doucement sous son menton.
– Et vous, monsieur, dit-elle, vous ne dansez pas ?
Frédéric s'excusa, il ne savait pas danser.
– Vraiment ! mais avec moi ? bien sûr ?
Et, posée sur une seule hanche, l'autre genou un peu rentré, en caressant de la main gauche le pommeau de nacre de son épée, elle le considéra pendant une minute, d'un air moitié suppliant, moitié gouailleur. Enfin elle dit "Bonsoir !" fit une pirouette, et disparut.
Frédéric, mécontent de lui-même, et ne sachant que faire, se mit à errer dans le bal. »

Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, II, 3, 1869.
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