Une brune à l'eau-de-vie
L'étudiant
Physiologie de l'étudiant
Une Lélia, née Gustine
Dans Physionomies parisiennes
Gavarni (1804-1866), dessinateur ; Lemercier, imprimeur, Paris, 1840.
102 pl. : lithographies ; 43,5 cm (vol.)
BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE PET FOL-ZF-387
© Bibliothèque nationale de France
Madame Arnoux est l'épouse d'un marchand d'art. Frédéric Moreau en tombe immédiatement amoureux quand il l'aperçoit sur le bateau qui le ramène de Paris à Nogent-sur-Seine. Madame Arnoux incarne la femme douce et aimante, quand son mari est un bon vivant qui cumule les dettes et les amantes. Frédéric se rapproche de ce dernier afin de devenir un familier des Arnoux.

« Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent, derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites. »

Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, I, 1, 1869.
>Texte intégral dans Gallica
 
 

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