Bouvard et Pécuchet
Bouvard et Pécuchet
Bouvard et Pécuchet
Premier chapitre
Gustave Flaubert (1821-1880), auteur ; C. Huard, illustrateur, Paris, 1904.
BnF, Réserve des livres rares, RES M-Y2-70
© Bibliothèque nationale de France
Dernière œuvre de Flaubert, demeurée inachevée, Bouvard et Pécuchet est un vieux projet longtemps mûri, repris délibérément en 1874, avec plusieurs interruptions jusqu'à la mort de l'auteur. Le roman représente une sorte d'inventaire de la sottise contemporaine et même de la sottise humaine en général. Mais la série d'expériences tentées par « les deux bonshommes » et plus encore le travail qu'ils entreprennent en copiant des livres, ont une signification ambiguë on ne sait pas exactement si ces personnages sont des niais qui prennent tout à la lettre ou, comme l'auteur lui-même, des esprits ironiques se délectant des témoignages de la bêtise.

« Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert.
Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d’encre. Il y avait au milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques.
Au-delà du canal, entre les maisons que séparent des chantiers, le grand ciel pur se découpait en plaques d’outremer, et sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d’ardoises, les quais de granit éblouissaient. Une rumeur confuse montait du loin dans l’atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche et la tristesse des jours d’été.
Deux hommes parurent.
L’un venait de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue.
Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc.
Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leurs coiffures, que chacun posa près de soi. Et le petit homme aperçut écrit dans le chapeau de son voisin : "Bouvard" ; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en redingote le mot : "Pécuchet". »

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, I.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Lemerre, 1881
 
 

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