Mâtho le Libyen enlaçant Salammbô
Salammbô
Gustave Flaubert (1821-1880), auteur ; André Lambert, illustrateur, Paris, 1948.
BnF, département de Littérature et art, 4-Y2-4121
© Bibliothèque nationale de France
Mâtho, le chef des mercenaires, brûle d'une passion interdite pour Salammbô, la fille d'Hamilcar. Quand il vient lui donner le zaïmph, le voile de la déesse Tanit qu'il a volé, Salammbô rejette Mâtho et le maudit. Se sentant coupable du vol et d'avoir porté les yeux sur ce voile sacré, Salammbô sort secrètement de Carthage et traverse le camp ennemi pour le récupérer. Seule avec Mâtho, elle succombe à son désir. Mysticisme et érotisme sont étroitement mêlés dans cette scène nocturne, inspirée par les expériences de Flaubert en Orient.

« Elle [Salammbô] s’avança vivement. Un cri lui échappa. Mâtho, derrière elle, frappait du pied.
— Qui t’amène ? pourquoi viens-tu ?
Elle répondit en montrant le zaïmph :
— Pour le prendre !
Et de l’autre main elle arracha les voiles de sa tête. Il se recula, les coudes en arrière, béant, presque terrifié.
Elle se tenait comme appuyée sur la force des dieux ; et le regardant face à face, elle lui demanda le zaïmph ; elle le réclamait en paroles abondantes et superbes. Mâtho n’entendait pas ; il la contemplait, et les vêtements, pour lui, se confondaient avec le corps. La moire des étoffes était, comme la splendeur de sa peau, quelque chose de spécial et n’appartenant qu’à elle. Ses yeux, ses diamants étincelaient ; le poli de ses ongles continuait la finesse des pierres qui chargeaient ses doigts ; les deux agrafes de sa tunique, soulevant un peu de ses seins, les rapprochaient l’un de l’autre, et il se perdait par la pensée dans leur étroit intervalle, où descendait un fil tenant une plaque d’émeraudes, que l’on apercevait plus bas sous la gaze violette. Elle avait pour pendants d’oreilles deux petites balances de saphir supportant une perle creuse, pleine d’un parfum liquide. Par les trous de la perle, de moment en moment, une gouttelette qui tombait mouillait son épaule nue. Mâtho la regardait tomber. »

Gustave Flaubert, Salammbô, chapitre XI, 1862.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Charpentier, 1879
 
 

> partager
 
 
 

 
> copier l'aperçu
 
 
> commander