Lorely, la fée du Rhin (Loreleï)
Lorely : souvenirs d'Allemagne. Frontispice
Gérard de Nerval (1808-1855), auteur ; Jules-Jacques Veyrassat, illustrateur, Paris, 1852.
BnF, département de Philosophie, Histoire, et Sciences de l'homme, M-30198
© Bibliothèque nationale de France
Lorely est un recueil qui rassemble des textes épars de Nerval : des récits de ses voyages en Allemagne, en Belgique et en Hollande, et une pièce de théâtre, Léo Burckart, d'abord écrite avec Alexandre Dumas. Publié en 1852, le recueil s'ouvre par une lettre-préface dédiée à Jules Janin :
« Vous la connaissez comme moi, mon ami, cette Loreley ou Lorelei, – la fée du Rhin, – dont les pieds rosés s’appuient sans glisser sur les rochers humides de Bacharach, près de Coblenz. Vous l’avez aperçue sans doute avec sa tête au col flexible qui se dresse sur son corps penché. Sa coiffe de velours grenat, à retroussis de drap d’or, brille au loin comme la crête sanglante du vieux dragon de l’Eden. Sa longue chevelure blonde tombe à sa droite sur ses blanches épaules, comme un fleuve d’or qui s’épancherait dans les eaux verdâtres du fleuve. Son genou plié relève l’envers chamarré de sa robe de brocart, et ne laisse paraître que certains plis obscurs de l’étoffe verte qui se colle à ses flancs. Son bras gauche entoure négligemment la mandore des vieux Minnesaenger de Thuringe, et entre ses beaux seins aimantés de rose, étincelle le ruban pailleté qui retient faiblement les plis de lin de sa tunique. Son sourire est doué d’une grâce invincible et sa bouche entrouverte laisse échapper les chants de l’antique sirène. Je l’avais aperçue déjà dans la nuit, sur cette rive où la vigne verdoie et jaunit tour à tour, relevée au loin par la sombre couleur des sapins et par la pierre rouge de ces châteaux et de ces forts […]. Eh bien, mon ami, cette fée radieuse des brouillards, cette ondine fatale, comme toutes les nixes du Nord qu’a chantées Henri Heine, elle me fait signe toujours : elle m’attire encore une fois ! Je devrais me méfier pourtant de sa grâce trompeuse, – car son nom même signifie en même temps charme et mensonge ; et une fois déjà je me suis trouvé jeté sur la rive, brisé dans mes espoirs et dans mes amours, et bien tristement réveillé d’un songe heureux qui promettait d’être éternel. »

Gérard de Nerval, Lorely : souvenirs d'Allemagne, 1852
>Texte intégral sur Gallica : Paris, D. Giraud et J. Dagneau, 1852
 
 

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