Chats dans une ruelle
Prosper Mérimée (1803-1870), auteur, 1846.
Aquarelle pour la nouvelle Il Viccolo di Madama Lucrezia
BnF, département des Manuscrits, NAF 19739 pl. f. 1
© Bibliothèque nationale de France
Un jeune Français séjourne à Rome. Il se lie d’amitié avec le fils de la marquise Aldobrandi, don Ottavio, qui lui ressemble au point qu’on peut les confondre. Un soir, retournant à son hôtel après avoir entendu des récits fantastiques, alors qu’il marche dans une ruelle, « il viccolo di Madama Lucrezia », une rose lui est lancée d’une fenêtre du premier étage d’une maison, d’où il est appelé par une femme qu'il ne peut toutefois rejoindre.

« Je regagnai à pied mon logement, et, pour tomber dans la rue du Corso, je pris une petite ruelle tortueuse par où je n'avais point encore passé. Elle était déserte. On ne voyait que de longs murs de jardin, ou quelques chétives maisons dont pas une n'était éclairée. Minuit venait de sonner/>« ; le temps était sombre. J'étais au milieu de la rue, marchant assez vite, quand j'entendis au-dessus de ma tête un petit bruit, un st/>« ! et, au même instant, une rose tomba à mes pieds. Je levai les yeux, et, malgré l'obscurité, j'aperçus une femme vêtue de blanc, à une fenêtre, le bras étendu vers moi. Nous autres, Français, nous sommes fort avantageux en pays étranger, et nos pères, vainqueurs de l'Europe, nous ont bercés de traditions flatteuses pour l'orgueil national. Je croyais pieusement à l'inflammabilité des dames allemandes, espagnoles et italiennes à la seule vue d'un Français. Bref, à cette époque, j'étais encore bien de mon pays, et, d'ailleurs, la rose ne parlait-elle pas clairement ?
– Madame, dis-je à voix basse, en ramassant la rose, vous avez laissé tomber votre bouquet...
Mais déjà la femme avait disparu, et la fenêtre s'était fermée sans faire le moindre bruit. Je fis ce que tout autre eût fait à ma place. Je cherchai la porte la plus proche ; elle était à deux pas de la fenêtre ; je la trouvai, et j'attendis qu'on vînt me l'ouvrir. Cinq minutes se passèrent dans un profond silence. Alors, je toussai, puis je grattai doucement.  ; mais la porte ne s'ouvrit pas. Je l'examinai avec plus d'attention, espérant trouver une clef ou un loquet.  ; à ma grande surprise, j'y trouvai un cadenas.  »
 
 

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