Les spectres sans tête, d'après Louis Boulanger
Le Dernier Jour d'un condamné
Victor Hugo (1802-1885), auteur.
BnF, département Littérature et Art, 4-Z-1628 (A,1)
© Bibliothèque nationale de France
Le condamné lit les noms gravés sur le mur de sa cellule, « Dautun, celui qui a coupé son frère en quartiers, et qui allait la nuit dans Paris jetant la tête dans une fontaine et le tronc dans un égout ; Poulain, celui qui a assassiné sa femme »… Tous ont été condamnés à mort avant lui.

« Je ne suis ni visionnaire, ni superstitieux. Il est probable que ces idées me donnaient un accès de fièvre ; mais pendant que je rêvais ainsi, il m'a semblé tout à coup que ces noms fatals étaient écrits avec du feu sur le mur noir ; un tintement de plus en plus précipité a éclaté dans mes oreilles ; une lueur rousse a rempli mes yeux ; et puis il m'a paru que le cachot était plein d'hommes, d'hommes étranges qui portaient leur tête dans leur main gauche, et la portaient par la bouche, parce qu'il n'y avait pas de chevelure. Tous me montraient le poing, excepté le parricide.
J'ai fermé les yeux avec horreur, alors j'ai tout vu plus distinctement.
Rêve, vision ou réalité, je serais devenu fou, si une impression brusque ne m'eût réveillé à temps. J'étais près de tomber à la renverse lorsque j'ai senti se traîner sur mon pied nu un ventre froid et des pattes velues ; c'était l'araignée que j'avais dérangée et qui s'enfuyait.
Cela m'a dépossédé. – O les épouvantables spectres ! – Non, c'était une fumée, une imagination de mon cerveau vide et convulsif. Chimère à la Macbeth ! Les morts sont morts, ceux-là surtout. Ils sont bien cadenassés dans le sépulcre. Ce n'est pas là une prison dont on s'évade. Comment se fait-il donc que j'aie eu peur ainsi ? La porte du tombeau ne s'ouvre pas en dedans. »

Victor Hugo. Le Dernier Jour d'un condamné, chap. XII.
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