Le vicomte de Turenne
Lettres choisies de Madame de Sévigné ornées d'une galerie de portraits historiques dessinés par Staal
Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (1626-1696), auteur ; Gustave Staal (1817-1882), illustrateur ; Garnier frères, éditeur, Paris, 1862.
BnF, département Littérature et art, Z-3316
© Bibliothèque nationale de France
Le vicomte de Turenne est maître des armées royales de Louis XIV de 1652 jusqu’à sa mort au cours de la bataille de Sasbach (27 juillet 1675). Mme de Sévigné la raconte en une scène saisissante de réalisme : « Il monta à cheval le samedi à deux heures, après avoir mangé, et, comme il avait bien des gens avec lui, il les laissa tous à trente pas de la hauteur où il voulait aller, et dit au petit d’Elbeuf : "Mon neveu, demeurez-là : vous ne faites que tourner autour de moi, vous me feriez reconnaître." M. d’Hamilton, qui se trouva près de l’endroit où il allait, lui dit : "Monsieur, venez par ici ; on tire du côté où vous allez. — Monsieur, lui dit-il, vous avez raison ; je ne veux point du tout être tué aujourd’hui, cela sera le mieux du monde." Il eut à peine tourné son cheval qu’il aperçut Saint-Hilaire, le chapeau à la main, qui lui dit : "Monsieur, jetez les yeux sur cette batterie que je viens de faire placer là." M. de Turenne revient, et dans l’instant, sans être arrêté, il eut le bras et le corps fracassés du même coup qui emporta le bras et la main qui tenaient le chapeau de Saint-Hilaire. Ce gentilhomme, qui le regardait toujours, ne le voit point tomber ; le cheval l’emporte où il avait laissé le petit d’Elbeuf ; il n’était point encore tombé, mais il était penché le nez sur l’arçon. Dans ce moment, le cheval s’arrête, le héros tombe entre les bras de ses gens ; il ouvre deux fois de grands yeux et la bouche, et demeure tranquille pour jamais ; songez qu’il était mort, et qu’il avait une partie du cœur emportée. » (Lettre du 28 août 1675)
 
 

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