Quand elle traversait la rue en cheveux et en pet-en-l'air
Illustration du Neveu de Rameau
Denis Diderot (1713-1784), auteur ; F.A. Milius, dessinateur, Paris, Rouquette, 1884.
Estampe en taille-douce, noir et blanc (11 x 7,5 cm)
BnF, département Littérature et Art, 8-Y2 6937, microfilm R 122272
© Bibliothèque nationale de France
« Mais, je vois à ce que vous me dites là que ma pauvre petite femme était une espèce de philosophe. Elle avait du courage comme un lion. Quelquefois nous manquions de pain, et nous étions sans le sol. Nous avions vendu presque toutes nos nippes. Je m’étais jeté sur les pieds de notre lit, là je me creusais à chercher quelqu’un qui me prêtât un écu que je ne lui rendrais pas. Elle, gaie comme un pinson, se mettait à son clavecin, chantait et s’accompagnait. C’était un gosier de rossignol .; je regrette que vous ne l’ayez pas entendue […]
C’était une démarche, une croupe ! ah Dieu, quelle croupe !
Puis le voilà qui se met à contrefaire la démarche de sa femme ; il allait à petits pas ; il portait sa tête au vent ; il jouait de l’éventail ; il se démenait de la croupe ; c’était la charge de nos petites coquettes la plus plaisante et la plus ridicule.
Puis, reprenant la suite de son discours, il ajoutait : Je la promenais partout, aux Tuileries, au Palais-Royal, aux Boulevards. Il était impossible qu’elle me demeurât. Quand elle traversait la rue, le matin, en cheveux, et en pet-en-l’air ; vous vous seriez arrêté pour la voir, et vous l’auriez embrassée entre quatre doigts, sans la serrer. »
 
 

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