Les Rougon-Macquart
Notes préparatoires
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1868.
Manuscrit autographe
BnF, département des Manuscrits, NAF 10345, fol. 15
© Bibliothèque nationale de France
la
société contemporaine.
Mon uvre, à moi, sera tout autre chose. Le cadre en sera
plus restreint. Je ne veux pas peindre la société contemporaine,
mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée
par les milieux. Si j'accepte un cadre historique, c'est uniquement
pour avoir un milieu qui réagisse ; de même le métier,
le lieu de résidence sont des milieux. Ma grande affaire est
d'être purement naturaliste, purement physiologiste. Au lieu d'avoir
des principes (la royauté, le catholicisme), j'aurai des lois
(l'hérédité, l'énéité). Je
ne veux pas comme Balzac avoir une décision sur les affaires
des hommes, être politique, philosophe, moraliste. Je me contenterai
d'être savant, de dire ce qui est en en cherchant les raisons
intimes. Point de conclusion d'ailleurs. Un simple exposé des
faits d'une famille, en montrant le mécanisme intérieur
qui la fait agir. J'accepte même l'exception.
Mes personnages n'ont pas besoin de revenir dans les romans particuliers.
Balzac dit qu'il veut peindre les hommes, les femmes et les choses.
Moi, des hommes et des femmes, je ne fais qu'un, en admettant cependant
les différences de nature, et je soumets les hommes et les femmes
aux choses.