Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 703
© Bibliothèque nationale de France
Chapitre XIV

« La rue du Dix-Décembre, toute neuve, avec ses maisons d’une blancheur de craie et les derniers échafaudages des quelques bâtisses attardées, s’allongeait sous un limpide soleil de février ; un flot de voitures passait, d’un large train de conquête, au milieu de cette trouée de lumière qui coupait l’ombre humide du vieux quartier SaintRoch ; et, entre la rue de la Michodière et la rue de Choiseul, il y avait une émeute, l’écrasement d’une foule chauffée par un mois de réclame, les yeux en l’air, bayant devant la façade monumentale du Bonheur des Dames, dont l’inauguration avait lieu ce lundi-là, à l’occasion de la grande exposition de blanc.
C’était, dans sa fraîcheur gaie, un vaste développement d’architecture polychrome, rehaussée d’or, annonçant le vacarme et l’éclat du commerce intérieur, accrochant les yeux comme un gigantesque étalage qui aurait flambé des couleurs les plus vives. Au rez-dechaussée, pour ne pas tuer les étoffes des vitrines, la décoration restait sobre : un soubassement en marbre vert de mer ; les piles d’angle et les piliers d’appui recouverts de marbre noir, dont la sévérité s’éclairait de cartouches dorés ; et le reste en glaces sans tain, dans les châssis de fer, rien que des glaces qui semblaient ouvrir les profondeurs des galeries et des halls au plein jour de la rue. »
 
 

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