Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 687
© Bibliothèque nationale de France
« Il y eut un silence, la boutique semblait dormir, engourdie par le crépuscule blafard qui la noyait ; tandis qu’on entendait, derrière la tôle mince de la fermeture, le fracas de la rue, la vie du plein jour passant avec le grondement des voitures et la bousculade des trottoirs. Enfin, Denise, qui allait, à chaque minute, jeter un coup d’œil par la petite porte ouvrant sur le vestibule de la maison, revint en criant :
— Le médecin !
C’était un jeune homme, aux yeux vifs, que le concierge ramenait. Il préféra visiter le blessé avant qu’on le couchât. Une seule des jambes, la gauche, se trouvait cassée, au-dessus de la cheville. La rupture était simple, aucune complication ne semblait à craindre. Et l’on se disposait à porter le brancard au fond, dans la chambre, lorsque Gaujean se présenta. Il venait rendre compte d’une dernière démarche, dans laquelle du reste il avait échoué : la déclaration de faillite était définitive.
— Quoi donc ? murmura-t-il, qu’est-il arrivé ?
D’un mot, Denise le renseigna. Alors, il resta gêné. Robineau lui dit faiblement :
— Je ne vous en veux pas, mais tout cela est un peu de votre faute.
— Dame ! mon cher, répondit Gaujean, il fallait avoir des reins plus solides que les nôtres... Vous savez que je ne suis guère mieux portant que vous. »
 
 

> partager
 
 

 
 

 
> copier l'aperçu