Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 667
© Bibliothèque nationale de France
« Denise n’avait rien à répondre. Le convoi venait de s’engager dans la rue de la Chaussée-d’Antin, où des embarras de voitures l’attardaient. Bourras continua, les yeux vagues, comme s’il eût maintenant rêvé tout haut. Il ne comprenait toujours pas le triomphe du Bonheur des Dames, mais il avouait la défaite de l’ancien commerce.
— Ce pauvre Robineau est fichu, il a une figure d’homme qui se noie... Et les Bédoré, et les Vanpouille, ça ne tient plus debout, c’est comme moi, les jambes cassées. Deslignières crèvera d’un coup de sang, Piot et Rivoire ont eu la jaunisse. Ah! nous sommes tous jolis, un beau cortège de carcasses que nous faisons à la chère enfant! Ça doit être drôle, pour les gens qui regardent défiler cette queue de faillites... D’ailleurs, il paraît que le nettoyage va continuer. Les coquins créent des rayons de fleurs, de modes, de parfumerie, de cordonnerie, que sais-je encore? Grognet, le parfumeur de la rue de Grammont peut déménager, et je ne donnerais pas dix francs de la cordonnerie Naud, rue d’Antin. Le choléra souffle jusqu’à la rue Sainte-Anne, où Lacassagne qui tient les plumes et les fleurs, et madame Chadeuil dont les chapeaux sont pourtant connus, seront balayés avant deux ans... Après ceux-là, d’autres, et toujours d’autres ! Tous les commerces du quartier y passeront. »
 
 

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