Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 572
© Bibliothèque nationale de France
« Seulement, il m’étrangle la poitrine, tandis qu’il fait une poche, là, entre les épaules. Puis, de sa voix sèche :
— Quand vous me regarderez, mademoiselle, ça ne corrigera pas le défaut !... Cherchez, trouvez quelque chose. C’est votre affaire.
Denise, sans ouvrir la bouche, recommença à poser des épingles. Cela dura longtemps : il lui fallait passer d’une épaule à l’autre ; même elle dut un instant se baisser, s’agenouiller presque, pour tirer le devant du manteau. Au-dessus d’elle, s’abandonnant à ses soins, madame Desforges avait le visage dur d’une maîtresse difficile à contenter. Heureuse de rabaisser la jeune fille à cette besogne de servante, elle lui donnait des ordres brefs, en guettant sur la face de Mouret les moindres plis nerveux.
— Mettez une épingle ici. Eh ! non, pas là, ici, près de la manche. Vous ne comprenez donc pas ?... Ce n’est pas ça, voici la poche qui reparaît... Et prenez garde, vous me piquez maintenant !
A deux reprises encore, Mouret tâcha vainement d’intervenir, pour faire cesser cette scène. Son cœur bondissait, sous l’humiliation de son amour ; et il aimait Denise davantage, d’une tendresse émue, devant le beau silence qu’elle gardait. »
 
 

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