Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 489
© Bibliothèque nationale de France
« Bientôt, elle trouva des flatteuses, parmi les dernières venues. Sa douceur et sa modestie achevèrent la conquête. Marguerite se rallia. Et Clara seule continua de se montrer mauvaise, risquant encore l’ancienne injure de « mal peignée », qui maintenant n’égayait personne. Pendant la courte fantaisie de Mouret, elle en avait abusé pour lâcher la besogne, d’une paresse bavarde et vaniteuse ; puis, comme il s’était lassé tout de suite, elle ne récriminait même pas, incapable de jalousie dans la débandade galante de son existence, simplement satisfaite d’en tirer le bénéfice d’être tolérée à ne rien faire. Seulement, elle considérait que Denise lui avait volé la succession de madame Frédéric. Jamais elle ne l’aurait acceptée, à cause du tracas ; mais elle était vexée du manque de politesse, car elle avait les mêmes titres que l’autre, et des titres antérieurs.
— Tiens ! voilà qu’on sort l’accouchée, murmura-t-elle, quand elle aperçut madame Aurélie amenant Denise à son bras.
Marguerite haussa les épaules, en disant :
— Si vous croyez que c’est drôle !
Neuf heures sonnaient. Au dehors, un ciel d’un bleu ardent chauffait les rues, des fiacres roulaient vers les gares, toute la population endimanchée gagnait en longues files les bois de la banlieue. Dans le magasin, inondé de soleil par les grandes baies ouvertes, le personnel enfermé venait de commencer l’inventaire. »
 
 

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