Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 439
© Bibliothèque nationale de France
« — Tiens ! Paul ! dit une voix derrière ces messieurs.
C’était Mouret, en train de donner son coup d’œil aux divers services. Les mains se tendirent, et il demanda tout de suite :
— Madame de Boves nous a-t-elle fait l’honneur de venir ?
— Mon Dieu ! non, répondit le comte, et à son grand regret. Elle est souffrante, oh ! rien de dangereux.
Mais, brusquement, il feignit de voir madame Guibal. II s’échappa, s’approcha, tête nue ; tandis que les deux autres se contentaient de la saluer de loin. Elle, également, jouait la surprise. Paul avait eu un sourire ; il comprenait enfin, il raconta tout bas à Mouret comment le comte, rencontré par lui rue Richelieu, s’était efforcé de lui échapper, et avait pris le parti de l’entraîner au Bonheur, sous le prétexte qu’il fallait absolument voir ça. Depuis un an, la dame tirait de ce dernier l’argent et le plaisir qu’elle pouvait, n’écrivant jamais, lui donnant rendez-vous dans les lieux publics, les églises, les musées, les magasins, pour s’entendre.
— Je crois qu’à chaque rendez-vous ils changent de chambre d’hôtel, murmurait le jeune homme. L’autre mois, il était en tournée d’inspection, il écrivait à sa femme tous les deux jours, de Blois, de Libourne, de Tarbes ; et je suis pourtant convaincu de l’avoir vu entrer dans une pension bourgeoise des Batignolles... »
 
 

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