Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 331
© Bibliothèque nationale de France
« Mais elle se défendait plus difficilement contre l’affection désespérée de Deloche ; il la guettait, n’ignorait aucun de ses soucis, l’attendait sous les portes ; un soir, il avait voulu lui prêter trente francs, les économies d’un frère, disait-il, très rouge. Et ces rencontres la ramenaient au continuel regret du magasin, l’occupaient de la vie intérieure qu’on y menait comme si elle ne l’avait pas quitté.
Personne ne montait chez Denise. Une après-midi, elle fut surprise d’entendre frapper. C’était Colomban. Elle le reçut debout. Lui, très gêné, balbutia d’abord, demanda de ses nouvelles, parla du Vieil Elbeuf. Peut-être l’oncle Baudu l’envoyait-il, regrettant sa rigueur ; car il continuait à ne pas même saluer sa nièce, bien qu’il ne pût ignorer la misère où elle se trouvait, Mais, quand elle questionna nettement le commis, celui-ci parut plus embarrassé encore : non, non, ce n’était pas le patron qui l’envoyait ; et il finit par nommer Clara, il voulait simplement causer de Clara. Peu à peu, il s’enhardissait, demandait des conseils, dans l’idée que Denise pouvait lui être utile auprès de son ancienne camarade. Vainement, elle le désespéra, en lui reprochant de faire souffrir Geneviève, pour une fille sans cœur. Il remonta un autre jour, il prit l’habitude de la venir voir. Cela suffisait à son amour timide, sans cesse il recommençait la même conversation, malgré lui, tremblant de la joie d’être avec une femme qui avait approché Clara. Et Denise, alors, vécut davantage au Bonheur des Dames. »
 
 

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