Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 300
© Bibliothèque nationale de France
« Ils partirent. Hutin et Favier les attendaient toujours. Lorsqu’ils ne les virent pas reparaître, ils se soulagèrent. Est-ce que la direction, maintenant, descendrait ainsi à chaque repas compter leurs bouchées ? Ce serait gai, si l’on ne pouvait même plus être libre en mangeant ! La vérité était qu’ils venaient de voir rentrer Robineau, et que la belle humeur du patron les inquiétait sur l’issue de la lutte engagée par eux. Ils baissèrent la voix, ils cherchèrent des vexations nouvelles.
— Mais je meurs ! continua Hutin tout haut. On a encore plus faim en sortant de table !
Pourtant, il avait mangé deux parts de confiture, la sienne et celle qu’il avait échangée contre sa portion de riz. Tout d’un coup, il cria :
— Zut ! je me fends d’un supplément !... Victor, une troisième confiture !
Le garçon achevait de servir les desserts. Ensuite, il apporta le café ; et ceux qui en prenaient lui donnaient tout de suite leurs trois sous. Quelques vendeurs s’en étaient allés, flânant le long du corridor, cherchant les coins noirs pour fumer une cigarette. Les autres restaient alanguis, devant, la table encombrée de vaisselle grasse. »
 
 

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