Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 213
© Bibliothèque nationale de France
Chapitre V

« Le lendemain, Denise était descendue au rayon depuis une demi-heure à peine, lorsque madame Aurélie lui dit de sa voix brève :
— Mademoiselle, on vous demande à la direction.
La jeune fille trouva Mouret seul, assis dans le grand cabinet tendu de reps vert. Il venait de se rappeler « la mal peignée », comme la nommait Bourdoncle ; et lui qui répugnait d’ordinaire au rôle de gendarme, il avait eu l’idée de la faire comparaître pour la secouer un peu, si elle était toujours fagotée en provinciale. La veille, malgré sa plaisanterie, il avait éprouvé, devant madame Desforges, une contrariété d’amour-propre, en voyant discuter l’élégance d’une de ses vendeuses. C’était, chez lui, un sentiment confus, un mélange de sympathie et de colère.
— Mademoiselle, commença-t-il, nous vous avons prise par égard pour votre oncle, et il ne faut pas nous mettre dans la triste nécessité...
Mais il s’arrêta. En face de lui, de l’autre côté du bureau, Denise se tenait droite, sérieuse et pâle. Sa robe de soie n’était plus trop large, serrant sa taille ronde, moulant les lignes pures de ses épaules de vierge ; et, si sa chevelure, nouée en grosses tresses, restait sauvage, elle tâchait du moins de se contenir. »
 
 

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