Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 188
© Bibliothèque nationale de France
« Mais Bouthemont venait de reconnaître madame Desforges, et désireux de faire sa cour à une belle personne qu’on prétendait toute-puissante sur le patron, il s’avançait avec son amabilité un peu grosse. Comment ! on ne la servait pas ! c’était impardonnable ! Elle devait se montrer indulgente, car on ne savait vraiment plus où donner de la tête. Et il cherchait des chaises au milieu des jupes voisines, il riait de son rire bon enfant, où il y avait un amour brutal de la femme, qui ne semblait pas déplaire à Henriette.
— Dites donc, murmura Favier en allant prendre un carton de velours dans une case, derrière Hutin, voilà Bouthemont qui vous fait votre particulière.
Hutin avait oublié madame Desforges, mis hors de lui par une vieille dame, qui, après l’avoir gardé un quart d’heure, venait d’acheter un mètre de satin noir, pour un corset. Dans les moments de presse, on ne tenait plus compte du tableau de ligne, les vendeurs servaient au hasard des clientes. Et il répondait à madame Boutarel, en train d’achever son après-midi au Bonheur des Dames, où elle était déjà restée trois heures le matin, lorsque l’avertissement de Favier lui causa un sursaut. Est-ce qu’il allait manquer la bonne amie du patron, dont il avait juré de tirer cent sous ? Ce serait le comble de la malchance, car il ne s’était pas encore fait trois francs, avec tous ces autres chignons qui traînaient ! »
 
 

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