Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 053
© Bibliothèque nationale de France
« Et ils rougirent fortement, leurs deux timidités demeurèrent un instant face à face, attendries par la fraternité de leurs situations, n’osant pourtant se souhaiter tout haut une bonne réussite. Puis, comme ils n’ajoutaient rien et qu’ils se gênaient de plus en plus, ils se séparèrent gauchement, ils recommencèrent à attendre chacun de son côté, à quelques pas l’un de l’autre.
Les commis entraient toujours. Maintenant, Denise les entendait plaisanter, quand ils passaient près d’elle, en lui jetant un coup d’œil oblique. Son embarras grandissait d’être ainsi en spectacle, elle se décidait à faire dans le quartier une promenade d’une demi-heure, lorsque la vue d’un jeune homme, qui arrivait rapidement par la rue Port-Mahon, l’arrêta une minute encore. Evidemment, ce devait être un chef de rayon, car tous les commis le saluaient. Il était grand, la peau blanche, la barbe soignée ; et il avait des yeux couleur de vieil or, d’une douceur de velours, qu’il fixa un instant sur elle, au moment où il traversa la place. Déjà il entrait dans le magasin, indifférent, qu’elle restait immobile, toute retournée par ce regard, emplie d’une émotion singulière, où il y avait plus de malaise que de charme. »
 
 

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