Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 024
© Bibliothèque nationale de France
« Jean, pris d’intérêt pendant la conversation sur le mariage, dévisageait la cousine Geneviève, qu’il trouvait trop molle, trop pâle, et qu’il comparait au fond de lui à un petit lapin blanc, avec des oreilles noires et des yeux rouges.
— Assez causé, et place aux autres ! conclut le drapier, en donnant le signal de se lever de table. Ce n’est pas une raison, quand on se permet un extra, pour abuser de tout.
Madame Baudu, l’autre commis et la demoiselle vinrent s’attabler à leur tour. Denise, de nouveau, resta seule, assise près de la porte, en attendant que son oncle pût la conduire chez Vinçard. Pépé jouait à ses pieds, Jean avait repris son poste d’observation sur le seuil. Et, pendant près d’une heure, elle s’intéressa aux choses qui se passaient autour d’elle. De loin en loin, entraient des clientes : une dame parut, puis deux autres. La boutique gardait son odeur de vieux, son demi-jour, où tout l’ancien commerce, bonhomme et simple, semblait pleurer d’abandon. Mais, de l’autre côté de la rue, ce qui la passionnait, c’était le Bonheur des Dames, dont elle apercevait les vitrines, par la porte ouverte. Le ciel demeurait voilé, une douceur de pluie attiédissait l’air, malgré la saison ; et, dans ce jour blanc, où il y avait comme une poussière diffuse de soleil, le grand magasin s’animait, en pleine vente. »
 
 

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