Au Bonheur des Dames
Manuscrit, premier volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10275, fol. 016
© Bibliothèque nationale de France
« Il insista, en ajoutant :
— Ça ne vaudrait rien, ni pour toi, ni pour nous.
— C’est bien, mon oncle, finit-elle par dire péniblement. Je tâcherai de m’en tirer tout de même.
Les Baudu n’étaient pas de mauvaises gens. Mais ils se plaignaient de n’avoir jamais eu de chance. Au temps où leur commerce marchait, ils avaient dû élever cinq garçons, dont trois étaient morts à vingt ans ; le quatrième avait mal tourné, le cinquième venait de partir pour le Mexique, comme capitaine. Il ne leur restait que Geneviève. Cette famille avait coûté gros, et Baudu s’était achevé, en achetant à Rambouillet, le pays du père de sa femme, une grande baraque de maison. Aussi toute une aigreur grandissait-elle, dans sa loyauté maniaque de vieux commerçant.
— On prévient, reprit-il en se fâchant peu à peu de sa propre dureté. Tu pouvais m’écrire, je t’aurais répondu de rester là-bas... Quand j’ai appris la mort de ton père, parbleu ! je t’ai dit ce qu’on dit d’habitude. Mais tu tombes là, sans crier gare... C’est très embarrassant.
Il haussait la voix, il se soulageait. »
 
 

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