Elles sont chez elles
Œuvres complètes illustrées d'Émile Zola. T. XI Au Bonheur des dames. Édition "ne variatur"
Émile Zola (1840-1902), auteur, Paris, E. Fasquelle, 1906.
BnF, département Littérature et Art, 4-Y2-3550 p. 281
© Bibliothèque nationale de France
« — Hein ? tu as vu ? il s’est baissé, il lui a glissé une adresse. La voilà qui accepte, de sa mine la plus vertueuse : une terrible femme, cette rousse délicate, aux allures insouciantes... Eh bien ! il se passe de jolies choses chez toi !
— Oh ! dit Mouret en souriant, ces dames ne sont point ici chez moi, elles sont chez elles.
Ensuite, il plaisanta. L’amour, comme les hirondelles, portait bonheur aux maisons. Sans doute, il les connaissait, les filles qui battaient les comptoirs, les dames qui, par hasard, y rencontraient un ami ; mais si elles n’achetaient pas, elles faisaient nombre, elles chauffaient les magasins. Tout en causant, il emmena son ancien condisciple, il le planta au seuil du salon, en face de la grande galerie centrale, dont les halls successifs se déroulaient à leurs pieds. Derrière eux, le salon gardait son recueillement, ses petits bruits de plumes nerveuses et de journaux froissés. Un vieux monsieur s’était endormi sur le Moniteur. M. de Boves examinait les tableaux, avec l’intention évidente de perdre dans la foule son futur gendre. Et, seule, au milieu de ce calme, madame Bourdelais égayait ses enfants, très haut comme en pays conquis.
— Tu le vois, elles sont chez elles, répéta Mouret, qui montrait d’un geste large l’entassement de femmes dont craquaient les rayons. »
 
 

> partager
 
 

 
 

 
> copier l'aperçu