Les Ménines
Pierre Audouin (1768-1822), graveur ; d'après Diego Vélazquez (1599-1660), peintre, 1799.
Burin
BnF, Estampes et photographie, EF-153 (1)-FOL
© Bibliothèque nationale de France
Peint en 1657, le tableau intitulé Les Ménines (ce qui signifie "dame de compagnie" en espagnol : Las Meninas), représente l’infante Marguerite, fille de Philippe IV, Marianne d’Autriche et ses dames de compagnie. Au fond de la pièce apparaît le couple royal : Philippe IV et son épouse. À la gauche du tableau, Vélasquez s’est représenté peignant.
Michel Foucault, qui a longuement analysé ce tableau en introduction de son livre Les Mots et les choses (1966), y voit "la représentation de la représentation classique, et la définition de l’espace qu’elle ouvre". Pour lui, le peintre instaure un jeu de cache-cache avec son spectateur : le peintre devient visible par le spectateur parce qu'il prend du recul pour contempler son modèle. Vélasquez a choisi d’immortaliser le moment d’une oscillation entre la toile et le modèle. Ce modèle lui-même est invisible pour le spectateur tout comme l’est le tableau en cours de réalisation.
Mais le peintre a laissé un indice : le reflet dans le miroir au fond du tableau. Le sujet peint est donc à la fois absent et présent : il n’est pas représenté sur la toile du double du peintre, mais il l’est sur la toile de Vélasquez, de manière dissimulée. Ainsi, souligne Foucault, c’est "comme si le peintre ne pouvait à la fois être vu sur le tableau où il est représenté et voir celui où il s’emploie à représenter quelque chose".
Dans ce tableau, nous contemplons le peintre qui contemple son modèle. Le spectateur est donc comme en supplément. Foucault relève un paradoxe dans ce tableau qui tient au double regard du peintre : celui de Vélasquez et de son double pictural. Ainsi, si Vélasquez nous invite à prendre part à la scène qui se déroule sous nos yeux, son double pictural nous chasse puisque nous ne faisons pas partie du tableau qu’il est en train de peindre.
Michel Foucault ignorait qu'une première version de l’œuvre apparaît par radiographie. Dans la première version, à la place du peintre, un jeune garçon tendait à l'infante un bâton de commandement. C'était un tableau dynastique dans lequel l'infante, héritière du trône, apparaissait au premier plan, ses parents, fondateurs de la lignée s'inscrivant dans le miroir du fond. Quand quelques années plus tard naît un héritier mâle, le roi demande à Vélasquez de modifier le tableau et c'est là que le peintre se représente, modifiant ainsi le sens du miroir.
 
 

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